Alors, pour en revenir à notre sujet, quels jeux de société choisir en fonction de l’âge des enfants ?
Cette deuxième partie sera donc consacrée aux spécificités des jeux pour les 3 à 6 ans :
<<< Voir la 1ère Partie de cet Article: Généralités sur le Jeu de Société et l'Enfant
Nous avons vu qu’à ces âges, les enfants ne sont pas autonomes en jeu. Il faudra donc choisir des jeux où ils auront leur chance de gagner contre vous ou un enfant plus âgé. Il faut aussi bien faire attention à la durée de ces jeux. En effet, un enfant de 3 ans n’a un temps de concentration que de 5 à 10 minutes d’affilé. Ce temps d’attention ne cesse d’augmenter avec l’âge mais même à 6 ans, ne comptez pas faire le même jeu durant beaucoup plus de 30 minutes.
Les Jeux de Coopération :
Pour les plus jeunes, qui découvrent pour les premières fois, privilégiez prioritairement les Jeux de Coopération. Ce sont des jeux où les joueurs jouent ensemble en équipe contre le jeu lui-même. Soit on gagne le jeu tous ensemble soit on le perd aussi ensemble. Cela permet d’apprendre en douceur à gérer ce moment fatidique des jeux de société : la Défaite ou la Victoire. La perte d’un jeu peut effectivement être assez traumatisante pour le jeune joueur qui fait ses premiers pas ludiques. Lorsque le parent devient un adversaire dans le cadre ludique, il faut qu’il comprenne bien que c’est « pour du beurre ». Qu’on est bien dans le « faire semblant ». Ces jeux coopératifs permettent donc de rester dans un cadre d’équipe où le parent reste le soutenant habituel.
La plupart des jeux coopératifs pour enfants sont basés sur un hasard très présent et parfois un peu de tactique. Comportant souvent un ou plusieurs dés, ils vont vous permettre de faire découvrir à l’enfant le fonctionnement de cet étrange outil du hasard. Cela peut paraitre évident pour l’adulte, mais comprendre que c’est la face du haut qui compte, que l’on n’a pas le droit de choisir cette face soi-même, que l’on ne peut pas relancer même si le résultat n’est pas ce qu’on attend, qu’il faut associer la face obtenue avec un autre élément du jeu…etc. Tout cela n’est pas si simple pour un enfant de 3 ans.
Le grand classique des jeux de coopération pour enfant est « Le Verger » mais vous en trouverez bien d’autre chez Haba et d’autres éditeurs spécialisés dans le jeu pour les plus jeunes. On peut citer « Chut, Coco ! » par exemple, où les couleurs du dé sont remplacées par des symboles.
Les Jeux Compétitifs :
Vous pourrez dans un deuxième temps passer aux jeux compétitifs classiques et, ici, il faudra vous attarder sur le moteur ludique ou les compétences demandées pour l’emporter. Nous avons effectivement vu dans la première partie de cet article qu’il est bon de privilégier les jeux où l’enfant a des chances de vous battre à armes égales.
Jeux de Hasard :
Vous pouvez donc commencer par des jeux compétitifs où le moteur est le Hasard. Devant la chance, chacun est l’égal de l’autre et se conformer à un tirage aléatoire est la base de l’apport ludique. Le hasard est un fabuleux générateur de frustration et les bons jeux sont ceux qui dosent habilement ce sentiment. Quelques-uns de ces jeux d’initiation fonctionnent uniquement sur l’association de couleur avec dé spécial et font la transition entre jeu coopératif et jeu compétitif comme par exemple Nino Conillo de Selecta dans lequel les joueurs doivent gagner des lapins en les faisant sortir de leur terrier.
La plupart des autres sont des Jeux de Parcours du type « Jeu de l’Oie » dans lesquels le dé à points est limité aux chiffres entre 1 et trois ou remplacé par des faces de couleur. Il faut y amener un ou plusieurs pions d’un point à un autre par lancer de dés ou tirages de cartes. Allez Petits Poissons et Croque Carotte de Ravensburger ou Monza de Haba sont dans cette lignée.
Jeux de Mémoire :
Ensuite, vous avez les jeux basés sur la compétence Mémoire comme dans le classique « Mémory ». En effet, les enfants sont redoutables sur cette capacité à retenir ce qui fait qu’ils auront leurs chances de remporter ce genre de jeux face à vous. Si leur mémoire est bien meilleure que celle de l’adulte, leur capacité de concentration est plus limitée. L’équilibre se fait donc naturellement dans ces jeux entre les compétences de chacun et l’adulte peut jouer pleinement contre l’enfant sans faire exprès de perdre. Dans cette catégorie, Turlututu, Pique Plume, L’Escalier Hanté et Trésors des Dragons sont des néo-classiques incontournables. En coopératif, La Chasse aux Monstres est aussi un jeu de mémoire dans lequel les joueurs s’entraident.
Jeux d’Adresse :
Puis vous pouvez aussi vous orienter vers les jeux d’adresse et surtout les jeux où il faut manipuler de petites pièces.
Avant l’apprentissage de la lecture il est bon de savoir que les enfants ont en général de bonnes capacités de manipulation. Cette motricité fine se dégrade un peu lors de cet apprentissage avant de revenir vers 8/9ans. Vous pouvez donc choisir des jeux appartenant à cette catégorie dans lesquels il faut « empiler », « attraper », « poser doucement », etc… Vos gros doigts seront un handicap naturel qui vous mettra au niveau des enfants.
Peu représentés en vidéorègle du fait de leur grande simplicité de règles on peut citer le classique « Mikado », le « Jenga » ou « Agil’Up ! » par exemple.
On trouve aussi beaucoup de ce type de jeu sur les étals des grandes surfaces. Attention cependant aux jeux en plastique au matériel fragile. Basés la plupart du temps sur un élément moteur à piles, ce sont souvent des jeux-jouets générateurs d’excitation qui, s’ils présentent des règles très simple et compréhensible sans lire beaucoup (d’où leur succès), finissent en général cassés au bout de quelques utilisations.
Un jeu n’est pas un jouet et je ne saurais trop vous conseiller de les ranger à un endroit spécifique et de les sortir lorsque l’enfant est prêt à en faire une vraie partie. Ouvert et disposé au milieu des jouets, c’est l’assurance de perdre les pièces sans lequel le jeu n’est plus rien et de lui donner une utilisation qui n’est pas la sienne. Si un jouet est quasiment toujours destiné à finir mal (l’expression « être le jouet de quelqu’un» devrait vous en convaincre), un jeu se respecte et l’installer sur la table doit être un rituel qui participe de la mise en place des règles informelles d’une partie : jouer jusqu’au bout ; respecter le matériel, les règles et ses adversaires ; ne pas tricher et être beau joueur quel qu’en soit l’issue.
Jeux Tactiques :
Pour finir, parlons un peu des jeux qui initient à la tactique.
Avant 7 ans, difficile de proposer un jeu où cette composante est primordiale pour l’emporter sauf si les joueurs sont tous de même âge. On trouve cependant de plus en plus de jeux où elle est abordée en association avec hasard et quelques-uns des jeux déjà cités plus haut ont ces choix tactiques. On peut aussi ajouter par exemple « Mon Premier Carcassonne » qui fait peu à peu comprendre au jeune joueur que certains placements de tuiles avantagent l’adversaire, « Le Rallye des Vers de Terre » où le jeu initie au principe du pari ou « Le Trésor des Lutins » où les choix de chemin en coopération font comprendre peu à peu les notions de décisions et conséquences. Ces jeux introduisent cette notion de « choix » et montrent en douceur l’implication de ceux-ci sur l’issue d’une partie.
Le « Choix » entre plusieurs options est une notion complexe pour le jeune enfant. A 3 ans, il aura souvent du mal à choisir une tuile dans un jeu de Mémory, par exemple. Au début, il choisira parfois toujours la même ou attendra que l’adulte lui dise laquelle il peut retourner. Le jeu de société est un bon moyen pour lui d’appréhender cette notion en douceur dans un contexte sans conséquence et sans jugement. N’oubliez pas de lui rappeler que « ce n’est qu’un jeu » et laissez lui faire ses erreurs sans trop le conseiller. Même en jeu coopératif, donnez vos conseils mais laissez-lui toujours le dernier mot lorsque c’est son tour : « A ta place je ferais ça… mais c’est toi qui choisit ! ». Jouer avec un enfant n’est pas la même chose que de lui faire faire un exercice ou ses devoirs. En fin de partie sur un jeu tactique, vous pouvez expliquer pourquoi il a perdu si ses choix ont entrainé sa défaite. Mais évitez si possible de jouer à sa place en cours de jeu. C’est d’ailleurs valable sur les jeux les plus simples. Laissez-le manipuler lui-même ses pièces. Pour se sentir vraiment acteur du jeu, bouger son pion après avoir lancé le dé est essentiel.
Ludothécaire